samedi 5 février 2011

lettre a ma famille, a la memoire de ma mere.

L’histoire se dresse en tribunal populaire pour convoquer les sultans du moyen orient. Nous allons les confier à son jugement le plus sévère, au plus bas étage de l’enfer disent ses féroces agents.

A ma famille en Tunisie, que je n’ai pas revue depuis trois décennies, je vous écris après la prière et le salut. Je ne sais pas, si je vous revois, dans ce bas monde qui nous a séparés. Mais j’ai l’assurance que nous nous retrouverons, tôt ou tard, dans cette vie ou dans l’autre. Mes frères et sœurs ont vieillis mais la famille a grandit depuis. Je ne connais donc pas tous ses membres. 30 ans d’exil a vu naitre et grandir une nouvelle génération qui ne me connait pas, non plus. Je serais pour eux cet oncle de France.
Ais-je eu vraiment le choix de ne pas revenir a temps, pour tenir compagnie a ma mère, au moins pendant ses dernières heures ? Non pas vraiment, sinon, je serais le fils indigne, autant que l’a été la réalité des tourments. Si j’étais rentrée, on ne m’aurait pas laisse le temps de revoir ma mère avant de procéder aux interrogatoires des supplices. De l’aéroport au ministère de la terreur, c’était la tradition des agents du despote. Cela n’est pas le fruit de mon imaginaire et quand tu n’as rien à avouer tu sembles plus suspect qu’un criminel de droit commun. Les petits qui auraient osé me brutaliser, se seraient confrontés à la puissance de mon art. Résultat, on m’aurait tué en perdant au moins l’un des leurs. J’en avais pleinement conscience. Ai-je eu raison ou tort de laisser faire ? En tout cas, mère m’avait dit avant son départ qu’elle n’avait rien à me pardonner. La question est, me le pardonnerais-je jamais. Peut être, si je parvenais a faire une belle œuvre de bien.
Vous vous souvenez sans doute de ce qui est arrivé à mon neveu, moi je n’oublierai jamais la tragédie du fils de mon frère. S’il m’est donnée de rentrer se serait pour faire payer aux criminels responsables de sa disparition. Justice sera faite de manière légale ou selon l’ancien code des guerriers. Assurément, vous verrez toutes les réponses lorsque les dossiers de l’état mécréant seront ouverts et ils le seront.
Lorsque le courage était officiellement interdit, fallait il se montrer téméraire ? Mon neveu lui, l’avait cru, moi je rêvais encore a la révolution. Cela étant, j’ai survécu, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui l’est, c’est la conservation d’une conscience intacte, tout en buvant à la source d’autres cultures. A ce propos, je ne suis pas à plaindre, ni a plaindre tout court d’ailleurs, puisque mon expérience existentielle est riche de mille souvenirs et de tant de témoignages pour la postérité.
Ces 3 dernières décennies, je n’ai pas connu une vie de château, certes, mais je poursuivais dignement ma recherche de la vérité, pendant que l’exil se faisait sans joie, mon étrangeté faisait de moi un grand solitaire. Et la raison de mon silence vous a au moins épargné de connaitre bien des revers.
Maintenant que la providence a tendu la main à la Tunisie, le changement qui est en marche ouvre à la possibilité du retour. Mais pas encore, pas avant la construction d’un état de droit qui veillerait au respect de la dignité humaine. Pas avant que l’on ne se défait de la mentalité barbare, qui est héritée par la monarchie de la violence et de la peur. Ma nature ne supporte le désordre que lorsque je le combat et il m’est tard pour prendre le train de votre révolution. Je sais qu’il reste l’essentiel à faire, avant que votre indépendance ne soit un rêve bien réel. Je vous écrirai à propos, en invoquant la maturité du discours.
Actuellement, je suis de l’autre coté du monde, j’explore ces contrées du soleil levant, poursuivant mon aventure de tour du monde à vélo. Mon père, n’avait il pas marché un an, pour accomplir son pèlerinage ? Tel père, tel fils, dit on ! Dans mon cas, c’est on ne peut plus vrai.
La vitesse et la lenteur de mon avancée, sont fixées par les circonstances objectives plus que de ma propre volonté. J’avance donc au gré du destin que j’apprends à concevoir.
Je vous adresse les vœux et les prières du voyageur. Et je vous dis a quand Dieu le voudra.