mercredi 19 janvier 2011

A la mémoire de mon neveu.

Mon neveu était étudiant en littérature à la fameuse Sorbonne à Paris. Il était d’une intelligence peu commune. Un poète libre a la limite de l’anarchiste. La perspicacité dans son regard n’avait d’égale en puissance de vision que le vaste étendu de sa culture. Il avait le sens de la repartie et un discours de fine analyse qui comble l’entendement de celui qui a soif de comprendre le sens de ce qui nous entoure. Il aimait lire tout ce qui lui tombait sous la main. « Je suis l’archive du monde » m’avait il dit fier d’un sourire qui révolte la curiosité. Il avait assimilé l’ensemble de son expérience et s’est mis à autopsier même l’injustice qui nous avait frappés ensemble. Il était pour moi un livre ouvert et mystérieux qui m’invitait à percevoir l’insondable secret du monde. Cependant, l’ardeur de la suprématie intellectuelle qui l’habitait lui avait joué un sale tour. Il m’avait précédé d’un an en France. Pendant qu’il était en ascension sur l’échelle de la connaissance, moi je galérais avec l’héritage de mille interrogations, sans être muni de la bonne méthode pour y répondre. J’admirai en lui sa politesse et son sens élevé de la civilité. Il avait grandit a l’école de la renaissance islamique sous l’autorité morale de Rachid Elghannouchi. Pour moi, c’était l’école de la fraternité de la recherche et la connaissance de soi. Mon neveu voulait rendre visite à sa mère sous le règne du dictateur déchu. Moi qui avais subit la torture sous le pouvoir du « combattant suprême », quelques années auparavant, je m’en faisais du souci pour lui a propos de cette aventure aux prévisibles conséquences. Je l’ai mis en garde du péril qui guette la bonne intelligence dans un monde corrompu. Il ne fallait pas avoir la science de ce qui était ni de ce qui sera pour me dissuader de croire aux belles paroles du nouveau prince de la province Tunisie, a ces moments là. Cela, ma mère l’avait saisit sans que je n’ai eu à lui donner de plus amples explications. Oui, je n’avais pas son courage d’aller au devant du péril en affrontant l’arrogance dans l’orgueil du diable. Il faut reconnaitre que la peur qui m’habitait suite à mon séjour au bon accueil Bourguibien, m’avait marqué au fer rouge. Mon séjour en France n’avait aucune garantie de stabilité et mon retour prématuré équivalait une condamnation. Non que j’aie eu à craindre une justice qui soit une, pour quelques méfaits, mais c’est qu’au règne des barbares, le peuple lui-même est coupable de ce qu’il n’a pas commis encore. Coupable de l’espoir qu’il nourrirait a l’égard de la révolution et du secret de son rêve coupable de liberté. C’est pour tenter de maquiller la laideur du temps en ces temps meurtris que je cherche aujourd’hui à cultiver les mots. Mon neveu n’en faisait qu’a sa tète, il décida de rentrer. Je ne saurai vous préciser les circonstances exactes de son arrestation et pour quel motif. Mais je sais que les agents de la détresse lui avait administré une piqure, suite a laquelle il devenait sujet a des troubles violents. Toutes les deux semaines, on venait le chercher pour achever l’expérience étrange sur lui. Ma mère m’avait dit « ils lui ont fait la piqure mon fils, Ezzerikaa » la sauce pour son cerveau comme on dirait pour soumettre un homme d’exception. Il y a des horreurs cachées dans le monde arabe et des responsabilités devant l’eternel à blanchir les cheveux du nourrisson. Quelque temps plus tard, on m’avait dit « ton neveu est devenu fou » « il n’y a pas que lui mon fils » me disait ma mère, paix a son âme. Il y a eu d’autres qui sont rentrées de France avec confiance dans la tanière du loup. Fatima est une femme que je n’avais pas rencontrée lorsque j’étais en Tunisie. J’ai fait sa connaissance par téléphone lorsqu’elle veillait sur ma mère durant les derniers mois de sa vie. Elle est l’expression de la douceur féminine. Elle m’avait dit avec des mots qui vous arrache le cœur, « restes ou tu es… » Elle m’avait raconté l’histoire de son mari a qui il est arrivé la même chose. Si je devais décrire Fatima, il me faudrait apprendre à lire le secret dans les larmes de tous les prisonniers. Et, a propos du sors des familles des exilés politiques, Hollywood doublerait sa fortune si elle se mettait à tourner des films inspirés de leurs histoires. Vous rendez vous compte ! La gestapo tunisienne d’alors, fouillait jusque dans les poubelles pour déterminer la valeur nutritive des familles des exilés. Et lorsqu’elle trouvait un reste d’os de poulet, elle faisait toute un plat. Elle faisait tout pour savoir d’où vient cette luxure prohibée. Les révélations sur l’atrocité de la dictature sont d’autres chapitres de la révolution. Les concernés directement en feront surement le témoignage autour du feu qui réchauffera les prochains hivers. En revenant a la tragédie de mon neveu. J’ai appris de ce qu’il avait confessé a sa sœur, « je n’en peu plus de ces piqures » et pour finir, on dit qu’il s’est suicidé en défiant le train dans l’arrogance de son allure. Un lointain cousin de la famille, témoin de la scène du drame, avait rapporté les dernières paroles du martyr, « levez au dessus de mon corps la matrice » avec la révolution populaire, c’est chose faite. Il peut donc se reposer en paix comme je respire un soulagement profond.
Je vous ai parlé de lui pour le rappeler à la mémoire de ses anciens amis avant d’inscrire son cas sur le registre de l’instruction de la grande histoire en marche. Et pour expliquer pourquoi le peuple tunisien ne veut plus entendre parler de ses bourreaux, en tout cas ne plus les voir sur l’écran public.